
« La RDC est un univers de créateurs qui ont besoin d’être poussés et encouragés » (Raphaël Sikabwe)
Raphaël Sikabwe est un artiste visuel et photographe autodidacte de 22 ans, basé à Goma, en République démocratique du Congo. Sensible et émotif, il a toujours été inspiré et captivé par tout ce qui l’entoure, objets et personnes. A l’âge de 14 ans, il réalise son amour et son obsession pour le crayon, un outil qu’il trouve à la fois humble, captivant et fascinant. C’est à 18 ans qu’il décide de consacrer sa vie à l’art. Fortement attiré par cette notion, il passe ses journées à appliquer les techniques du style dit hyperréaliste.
Congo Rassure est allé à la rencontre de ce jeune talent et voici ce que nous avons recueilli.
Q.Que pouvez-vous nous dire de l’art en général ?
R. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je pense que l’art change de forme au fur et à mesure que le monde évolue, et si l’art disparaissait ? Nous n’en aurions plus besoin, dans le sens où un autre régime de connaissances pourrait lui succéder. Les œuvres continueraient à être produites comme d’habitude et même répertoriées par les collectionneurs d’art ou les musées, mais elles n’auraient plus le même sens sacré ! De simples images dont la valeur aurait changé, maintenant ce n’est plus une affaire de culte mais cela devient plutôt culturel ! « Si les artistes explorent toutes les limites de la création classique, ils prennent aussi le risque en multipliant les transgressions de ne pas être compris par le public. Cela explique en partie que les œuvres soient de plus en plus accompagnées de discours et de commentaires », avait dit Nathalie Heinich. L’art contemporain est devenu donc une sorte de paradigme. Désormais, on ne vend plus, on n’aime plus, on ne collectionne plus les œuvres selon les critères traditionnels et même modernes…. et puis aujourd’hui avec le numérique, c’est une nouvelle réforme dans le domaine artistique, dans quelques années, l’art aura franchi une toute nouvelle dimension, et cela a déjà commencé avec les oeuvres numériques NFT…
Q. Quels sont les défis auxquels vous êtes confronté ?
R. Les défis auxquels je suis confronté dans ma carrière sont bien plus régionaux qu’autre chose ! Vivre dans une société qui n’est pas conditionnée à mettre en valeur les œuvres artistiques est l’un des plus grands problèmes que nous trouvons ici en RDC, il n’y a presque pas de musées, pas de galeries d’art, de moins en moins de magasins, ni de galeristes locaux, pour promouvoir l’esprit créatif que la majorité des Congolais possèdent, à l’exception d’une poignée de personnes. Les œuvres d’art passent inaperçues, les artistes sont négligés, ils manquent d’attention, et personnellement je pense que tout cela est lié au fait que notre société n’est pas prête pour cela, ils ont beaucoup plus de problèmes et de situations à affronter chaque jour face au cirque politique auquel nous avons droit quotidiennement dans ce pays …
Q. Envisagez-vous d’exposer vos œuvres ? Si oui, quand ?
R. J’ai toujours rêvé d’avoir ma première exposition, et aujourd’hui je me sens prêt plus que jamais, j’ai besoin de franchir cette nouvelle étape, c’est très important pour la suite de ma carrière. Ces deux dernières années, je me suis préparée techniquement et psychologiquement pour cet événement à venir. En ce moment je suis prêt, je pourrais même le faire tout de suite mais pour cela il me faut un budget pour l’organisation et surtout un lieu où je serai reçu pour exposer, tout n’est pas encore concret mais j’espère que dans les prochains mois j’aurai enfin l’occasion rêvée de montrer au monde ma série de tableaux.
Q. Qu’avez-vous à dire aux jeunes qui n’osent pas s’adresser au gouvernement pour l’épanouissement de leurs carrières ?
R. Nous sommes tous d’accord pour dire que deux jeunes congolais lambda sur trois ont un certain talent dans le domaine de l’art : musique, slam, dessin, danse, esthétique,… Et même si nous devions supprimer l’école dans ce pays, plus de la moitié de la population gagnera toujours sa vie grâce à son métier. Je suis convaincu que ceux qui ont déjà eu la chance de découvrir leur talent, parmi eux, il y en a qui ont encore des doutes pour se lancer car visiblement notre gouvernement ne réserve aucun avenir ou aucune garantie à la jeunesse dans ce secteur. Mais ce que nous devons retenir c’est que nous devons oser et faire ce que nous devons faire car l’avenir nous appartient, notre pays n’est pas seulement riche en minerais, mais c’est aussi c’est un univers de créateurs qui ont besoin d’être poussés et encouragés à se découvrir et le gouvernement a un rôle très important à jouer dans ce domaine. L’art a besoin d’un environnement sain, sans une économie stable l’art ne peut pas se développer.