Silence, résilience, ignorance, pardon, oubli... il fut un temps où les Congolais ne disaient rien, avalaient tout et encore, pardonnaient tout au nom d'une hospitalité exploitée à outrance par des voisins dont l’envie est évidemment toujours d'actualité. Mais l’accueil très glaçant de l’opinion à la résurgence l'an dernier du M23, une rébellion à nouveau soutenue par l'insatiable et envieux Rwandais, de par son degré d'arrogance et le moment où elle s'est produite, démontre suffisamment que le Congolais a changé, non pas totalement ou radicalement, mais dans la guerre ouverte impitoyable pour amputer sa Nation d'une de ses parties, il a décidé de ne pas se laisser faire.
Même si depuis des années, la RDC est le théâtre de conflits armés qui ont entraîné la mort de millions de personnes et des déplacements massifs de populations, le plan de l’occupation d'une partie de la République démocratique du Congo (RDC) par des armées étrangères réunies dans la force régionale de l’EAC est une question qui suscite une forte opposition de la part de la population congolaise. Si cette force a été initialement bien accueillie par la population, beaucoup demandent aujourd'hui son départ.
Ça aura été de ce fait l'un des mariages les plus courts de l'histoire de la RDC. La romance entre les Congolais et la force régionale de l'EAC n'aura duré qu'un temps. La pomme de la discorde n'est autre que l'attitude passive de cette force composée de troupes des pays membres de la Communauté d'Afrique de l'Est, une attitude qui frise la complicité avec le M23, qui figure pourtant actuellement sur le tableau des ennemis numéro un. Cette attitude, jugée lâche et contradictoire par beaucoup, a malheureusement fini par ronger progressivement la confiance plutôt fragile que le peuple congolais avait placée dans la force régionale de l'EAC.
Outre cela, une opacité visiblement entretenue à dessein par une main noire entoure tout ce qui a trait à cette force régionale. Ainsi, il est presque difficile de dire avec certitude quel est le véritable objectif de cette force et, surtout, à qui elle répond directement de ses actes, d'autant plus qu'elle a royalement ignoré les multiples appels de Kinshasa, l'invitant à jouer un rôle offensif aux côtés des forces gouvernementales congolaises. Ces éléments semblent malheureusement accréditer la thèse d’un grand complot qui se tramerait au niveau régional contre la RDC.
Aussi, au regard de la multiplicité des marches ces dernières semaines dans le Kivu contre cette force régionale de l'EAC et des voix qui s'élèvent dans tout le pays, il apparaît clairement que le peuple congolais pense en grande partie que ces troupes étrangères ne sont pas dignes de confiance. À voir les rapports existants sur le terrain, toutes sont indignes de confiance, à commencer par les troupes kenyanes, en passant par les troupes ougandaises, burundaises et soudanaises. Et pire, leur position actuelle dans la guerre qui se poursuit pourtant sans relâche dans le petit sud du Nord-Kivu, ne plaide pas en leur faveur, et encore moins leurs nombreuses sorties expliquant ne privilégier d’abord que la voie diplomatique et politique. Mais reste à savoir combien de temps ce choix tactique, fait sans l'aval des autorités congolaises, va-t-il durer ? Les militaires ne devraient-ils pas se contenter de mener des opérations militaires et laisser la politique et la diplomatie aux politiciens ?
Au fur et à mesure que cette collaboration se poursuit, le brouillage des lignes devient de plus en plus évident. Si les Congolais comprennent déjà qu'il s'agit d'un accord dont ils sont actuellement les perdants, l'autre partie espère clairement bénéficier d'une manière ou d'une autre de sa présence sur le territoire congolais. Alors que l'on espérait que cette force régionale rejoigne les FARDC sur les lignes de front de Masisi, sans surprise, un autre scénario tout aussi inquiétant que la passivité de cette force est venu enfoncer le clou. Comme un pays conquis, les troupes formant cette force régionale ont décidé de se répartir le contrôle des zones contrôlées, et curieusement d'autres non contrôlées (comme c'est le cas de la cité de Sake), par les éléments du M23.
À Nairobi, les chefs d’état-major de l’EAC sont allés jusqu’à procéder au réajustement des zones d’opération des différents contingents de la force régionale. Ils ont décidé de la sous-traitance de la sécurité des populations du Nord-Kivu sans en aviser Kinshasa, si l’on en croit le vice-premier ministre ministre des affaires étrangères de la RDC, Christophe Lutundula. Toutefois, le ministre explique que tout ce qui n’est pas dans la logique de la cessation de l’agression, du retrait des zones occupées, ne sera pas accepté du côté congolais. Pendant ce temps, la force régionale, intraitable sur le sujet, veut que les troupes burundaises occupent Sake, Kilolirwe et Kitchanga, le Sud-Soudan occupera Rumangabo aux côtés des Kenyans, qui occuperont également Kibumba, Tongo, Bwiza, Kishishe et l'Ouganda occupera Bunagana, Kiwanja, Mabenga.
Il est temps pour la République démocratique du Congo de peser pour exiger la vérité sur la véritable mission de la force régionale de l’EAC et user de toutes ses cartouches pour l’amener à combattre aux côtés des FARDC ou alors à tout simplement quitter son territoire national. Si Kinshasa ne sort pas les griffes pour limiter les dégâts, à ce rythme, le pays risque de vivre une période troublée, surtout pour les autorités en place qui se verront être accusées de participer directement ou indirectement à la fragmentation du territoire congolais. Cela pourra alimenter des nouvelles tensions et des violences dans la région.