
Les Congolais sont dans tous leurs états et ne loupent plus une occasion de lancer des flèches en direction des Européens et particulièrement de la France. Depuis quelque temps, ils ne font plus semblant de cacher leurs émotions et expriment clairement leur mécontentement croissant face à certains gestes de ce partenaire, l’un de plus important d’ailleurs, du gouvernement de Kinshasa.
Notre baromètre est clair. Dans l'opinion congolaise, la cote de la France est suffisamment en baisse, presque tous les habitants, y compris les érudits, en veulent au pays d'Emmanuel Macron pour son rapprochement avec "l'ennemi numéro un de la République”, "l'auteur de tous les malheurs de l’Est de la RDC”, sieur Paul Kagame. À cela s’est ajouté l’annonce la semaine écoulée dune aide du conseil européen de 20 millions d’euros à l’armée rwandaise. Et ce jour une nouvelle tâche s’est incrustée dans la relation des congolais avec les autorités françaises, provoquant une fois de plus dans la capitale Kinshasa, la propagation du sentiment anti-européen. À la base, un fait plutôt à première vue anodin mais qui fâche au regard du timing choisi pour le faire.
Un don de 20 Motorolas à la police
Le 30 novembre dernier, l’ambassade de la France en République Démocratique du Congo a offert 20 Motorolas au Commissariat provincial de la police de Kinshasa. Ce qui n’est pas anormal du tout, d’autant plus que les français apportent déjà leur assistance aux congolais dans plusieurs domaines et notamment celui de la sécurité. Ici l’annonce a été faite par Cousin Pierre Alexandre, qui est l’attaché de défense de la représentation diplomatique de la France en RDC. Le français a parlé d’un second lot de 20 postes portatifs Motorolas, financés par la DCSD. Pour une meilleure coordination opérationnelle des unités PNC dans leurs missions sécurité publique ».
Dans un temps normal, cela serait passé sans accroc. C’est un secret de polichinelles qu’il arrive que la RDC reçoive même moins que ces Motorolas. Pour ceux qui ont d’emblée comparé avec l’aide envoyée presque dans le même temps par le conseil européen au Rwanda, cela ressemble à une blague. Mais ce n'en est pas une. Une goutte d’eau près d’un océan. 20 millions d'euros au Rwanda et 20 Motorolas à la République démocratique du Congo, c’est effectivement une comparaison qui fait à la fois rire et pleurer dans les rues de la capitale congolaise.
Outre la qualité de l'offre elle-même, le timing semble également avoir été mal choisi. Et beaucoup pensent que c'est une humiliation. Et sans hypocrisie, ça l’est sous certains angles. Ce qui se comprend. Alors que les Congolais ne se sont pas encore totalement remis du choc terrible qu’ils ont reçu après la "décision" du Conseil européen d'accorder des millions à l'armée de Kagame qui participe à l'agression contre la RDC, à Kinshasa, la France choisi de fournir des Motorola à la police. Le déséquilibre dans la balance est plus qu’évident.
On ne le dira jamais assez, les autorités congolaises doivent, et il le faut bien, retrousser leurs manches pour que cesse enfin cette manie de recourir à l'aide venant de l'étranger, qui par moment, malheureusement, frise le ridicule. Lors de nos échanges de lundi, nous avons compris ce que ressentent les habitants de ce pays, et ce qu'ils ont ressenti encore aujourd'hui : un manque de considération de la communauté internationale.
Les Européens, et surtout les Français, ne doivent pas se faire d'illusion : en cette période de crise, il leur faudra être attentifs aux sentiments des congolais et aux réalités sur terrain. Les dernières attaques dont a été victime l’ambassade de l’Allemagne sur la toile en est une preuve plus qu’éloquente.
On ne saura probablement pas si le facteur timing a été pris en compte par l’ambassade de France, mais au fond, cette aide qu’a reçu la police de la capitale sera bénéfique pour des biens nombreux cas. Cependant, il leur faudra beaucoup pour regagner la confiance des Congolais, surtout après ce feuilleton, qui est venu enfoncer le clou après le financement de l'armée rwandaise pour son opération en Mozambique alors que cette même armée est accusée de combattre aux côtés des rebelles du M23.
Paris, qui compte sérieusement sur la RDC, qui reste le plus grand pays francophone du monde, doit faire un effort énorme pour regagner la sympathie d'une population inquiète d'une situation géopolitique qui met en danger l'avenir de son pays. Il en faudra beaucoup pour éradiquer le sentiment de méfiance profondément ancré à l'égard de la France qu'éprouvent aujourd'hui de nombreux Congolais. Les autorités de Kinshasa également devrait donner leurs suggestions à leurs hôtes sur des attitudes à adopter ces jours-ci où il faut d’un petit rien pour que les esprits s’enflamment.