
Le ton monte entre Kinshasa et Kigali. En marge d’une rencontre avec la diaspora Congolaise à Bruxelles, le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a lancé une phrase lourde de sens : « La paix des braves n’est pas une faiblesse. Je sais que cela a troublé, mais je n’en tiens pas compte. Je sais qu’ils vont réfléchir et me faire une offre, c’est ce que j’attends ».
Une main tendue, un message d’ouverture, mais aussi une mise à l’épreuve diplomatique adressée au Rwanda. Sauf que, du côté de Kigali, la réaction n’a pas tardé et elle a été d’une rare virulence.
Kigali contre-attaque : « Une comédie politique ridicule »
Dans une déclaration au vitriol, le ministre Rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe a tourné en dérision la démarche du président congolais, qualifiant son initiative de « commedia dell’arte ».
« Il pourra toujours attendre jusqu’aux calendes grecques, car le Rwanda n’est pas intéressé à participer à cette comédie politique ridicule », a-t-il lancé, accusant au passage Kinshasa de « bloquer » les processus de paix de Doha et de Washington, de « collaborer avec des milices criminelles » et de « violer le cessez-le-feu ».
Des propos jugés méprisants à Kinshasa, où la réplique n’a pas tardé.
La réplique de Kinshasa : « Le Rwanda, prisonnier de son propre mensonge diplomatique »
C’est Peter Kazadi, figure du gouvernement congolais, qui a répondu avec une verve tranchante. Dans une déclaration ferme et documentée, il a accusé Kigali d’être le principal artisan des guerres à répétition dans l’Est de la RDC depuis près de trois décennies.
« Vos propos empreints d’arrogance illustrent combien votre régime demeure prisonnier de son propre mensonge diplomatique. Parler de commedia dell’arte à propos des efforts congolais pour ramener la paix, c’est insulter la mémoire des millions de victimes de la guerre imposée à la RDC depuis 30 ans ».
Kazadi a rappelé que derrière chaque mouvement rebelle de l’AFDL au RCD, du CNDP au M23 se cache une « même main, un même schéma, une même ambition : contrôler le territoire congolais et exploiter illégalement ses ressources naturelles ».
Les faits et les preuves : un réquisitoire contre Kigali
Dans un passage cinglant, le ministre congolais a invoqué les rapports successifs du Groupe d’experts de l’ONU, les résolutions du Conseil de sécurité (dont la 2717 de 2023) et les enquêtes d’Amnesty International et Human Rights Watch, tous pointant le soutien militaire et logistique du Rwanda au M23.
« Le Rwanda nie l’évidence, alimente la guerre, pille nos ressources et manipule les identités ethniques à des fins expansionnistes. Ce que vous appelez attitude belliqueuse n’est autre que la détermination d’un peuple à ne plus être humilié », .
Et d’ajouter : « Le Président Tshisekedi n’a jamais refusé la paix. Il a simplement refusé la soumission. Sa posture est celle d’un chef d’État qui défend la souveraineté de son pays et la sécurité de son peuple ».
Entre paix et fermeté : la RDC trace sa ligne
La « paix des braves » prônée par Félix Tshisekedi n’est pas une capitulation, mais une stratégie de responsabilité et de souveraineté. Kinshasa se dit prête à dialoguer, mais refuse toute paix sous condition d’humiliation ou de déni de vérité.
« Face à un voisin qui nie l’évidence et entretient le chaos, le silence ne serait pas diplomatie, mais complicité », a conclu Kazadi, dans une tirade qui résonne comme un rappel à l’histoire.
Une crise régionale à la croisée des chemins
Alors que les médiations de Doha et Washington piétinent, le bras de fer diplomatique entre Kinshasa et Kigali met à nu la fracture entre deux visions : celle d’un Congo qui réclame justice et souveraineté, et celle d’un Rwanda qui tente de défendre son image à l’international tout en niant son implication dans l’Est Congolais.
Les mots ont désormais remplacé les balles, mais le champ de bataille, lui, reste le même : celui de la vérité et de la légitimité.
Diddy MASTAKI