
Dans la province de l’Ituri la prévalence du VIH/SIDA y atteint 5 %, contre 0,7 % à l’échelle nationale. Ces statistiques ont été présentées jeudi 16 octobre 2025 à Bunia par le docteur Michel Mbuyu, secrétaire exécutif provincial du Programme national multisectoriel de lutte contre le Sida (PNMLS), dans un entretien accordé à nos confrères de visibilitemediapro.cd.
Selon les données du PNMLS, près de 28 000 personnes vivent actuellement avec le VIH en Ituri. Ce chiffre, issu d’enquêtes menées auprès des femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans, traduit l’ampleur du défi sanitaire auquel la province est confrontée.
« L’Ituri fait partie des provinces où la lutte contre le VIH/SIDA est la plus complexe », explique le Dr Mbuyu, pointant du doigt la crise sécuritaire, les violences sexuelles et la faiblesse du système de santé.
Des femmes enceintes et des enfants en première ligne
Le PNMLS s’inquiète du faible niveau de dépistage chez les femmes enceintes plus de 75 % d’entre elles n’ont jamais effectué de test, augmentant le risque de transmission du virus à leurs enfants. Par ailleurs, 22 % des enfants séropositifs n’ont toujours pas accès au traitement antirétroviral (ARV), faute de moyens et de couverture sanitaire suffisante.
« Nous recommandons le dépistage précoce dès les trois premiers mois de grossesse et l’implication des couples dans la prévention », insiste le Dr Mbuyu, qui plaide pour un renforcement du programme de Prévention de la Transmission Mère-Enfant (PTME).
Rupture de préservatifs et manque criant de moyens
La lutte contre le VIH en Ituri se heurte à de multiples obstacles. Le Dr Mbuyu déplore une rupture totale des préservatifs depuis deux à trois ans, une situation qu’il juge dramatique dans un environnement humanitaire marqué par les violences sexuelles et les déplacements forcés.
À cela s’ajoutent les ruptures fréquentes de médicaments et de tests de dépistage, alors que seulement un tiers des structures sanitaires de la province offrent des services complets de prise en charge du VIH/SIDA.
Des zones minières particulièrement touchées
Les disparités sont frappantes d’une zone à l’autre. La zone de santé de Bunia enregistre 6,8 % de prévalence, celle d’Ariwara environ 3,8 %, mais certaines zones minières comme Mambasa, Mungwalu et Niania dépassent les 20 %.
Dans les sites de déplacés, la situation n’est guère meilleure à Tchomia, une enquête de 2023 a révélé une séropositivité de 4 %, sans qu’aucun partenaire humanitaire n’y ait encore mis en place un paquet complet de services VIH.
Vers un financement local et durable
Pour réduire la dépendance vis-à-vis des partenaires extérieurs, le PNMLS plaide pour la création d’une ligne budgétaire provinciale dédiée au VIH. Il propose également la mise en place d’un Fonds provincial SIDA (FONSIDA), alimenté par de petites taxes locales, afin de financer les activités que les bailleurs internationaux ne couvrent pas.
« Le VIH/Sida n’est pas seulement une question de santé, c’est un enjeu de développement », souligne le Dr Mbuyu. « Pour atteindre l’objectif zéro infection, zéro décès, zéro discrimination d’ici 2030, chaque citoyen doit s’impliquer ».
Joël heri Budjo