
Au cœur de la ville de Goma, la guerre du M23 ne se lit plus seulement sur les lignes de front, mais aussi dans les regards fatigués des mères, des enfants et des pères séparés de leurs familles. Le conflit, qui s’éternise depuis des mois, a provoqué une onde de choc sociale sans précédent, bouleversant la stabilité de milliers de foyers.
Des familles disloquées par la peur et la précarité
Dans plusieurs quartiers, la désolation est palpable. Les maisons, autrefois animées par les rires des enfants, sont aujourd’hui marquées par le silence et l’absence. La guerre du M23 a engendré un véritable déséquilibre socio-économique, plongeant les familles dans une spirale de pauvreté et d’incertitude.
« Mon mari est parti à Beni depuis deux mois. Il disait qu’il allait chercher du travail pour qu’on puisse survivre, mais depuis, pas de nouvelles… », témoigne Jeannine Kavira, mère de quatre enfants, les yeux humides, serrant contre elle son dernier-né dans une maison de fortune louée à Mugunga.
Selon plusieurs témoignages recueillis sur place, de nombreux hommes quittent leurs foyers, fuyant non seulement la guerre, mais aussi l’incapacité de subvenir aux besoins de leurs familles. Les routes menant vers les zones sous contrôle gouvernemental deviennent des chemins d’exil, souvent semés d’embûches.
Le poids de la survie au quotidien
Dans le quartier Lac Vert, à une dizaine de kilomètres de Goma, la vie s’organise tant bien que mal.
Les familles entières vivent dans des conditions précaires, dépendant essentiellement de l’aide humanitaire qu’elles vont chercher dans les villages de Rutshuru et de Masisi. Les denrées se font rares, et le prix du sac de farine a doublé depuis le début des hostilités.
« Avant la guerre, j’étais maçon. Aujourd’hui, je fais de petits travaux pour gagner 2 000 francs congolais par jour. C’est à peine de quoi acheter du maïs pour mes enfants », confie Bahati Kasereka, un père de famille rencontré au rond-point Signers.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est que sur une distance d’à peine 500 mètres, il est désormais possible de trouver plus d’une dizaine de maisons à louer sans aucun client, et cela, à des prix dérisoires, alors qu’autrefois ces mêmes logements étaient disputés par plusieurs locataires à la fois.
Une crise aux multiples visages
Au-delà des pertes matérielles, la guerre du M23 laisse des cicatrices psychologiques profondes.
Les enfants déscolarisés, les femmes devenues cheffes de famille malgré elles et les jeunes sans emploi composent désormais le visage d’une société fracturée.
« Nous vivions modestement, mais ensemble. Aujourd’hui, mes enfants ne savent plus ce qu’est une nuit sans peur », soupire Espérance Mbusa, déplacée de Kibumba.
Un cri d’alarme pour la paix
Alors que la communauté internationale multiplie les appels au cessez-le-feu, les habitants de Goma, eux, rêvent simplement d’un retour à la normalité. Un retour à la vie d’avant : celle des repas partagés, des écoles ouvertes et des familles réunies.
« Nous voulons juste la paix. Pas pour les politiciens, mais pour nos enfants », lance Bahati, la voix brisée par l’émotion.
Diddy MASTAKI